Tussilage et Pétasite

Pierre-Emile Nicolas (Voir la bio en suivant le lien) botaniste et professeur à l’école des beaux-arts a publié plusieurs article sur la flore dans la revue Art et Industrie


Tussilage et Pétasite.
Parmi les plantes indigènes qui ouvrent leurs fleurs aux premiers rayons du printemps nous devons citer le Tussilage et le Pétasite, toutes deux communes, surtout la première.
La seconde quoique répandue, n'est guère connue que par son feuillage, quant à ses fleurs elles sont ignorées, quoique très belles.
Ces espèces végétales, dans leur hâte de saluer le soleil renaissant, épanouissent leurs fleurs avant que leurs feuilles s'étirent des bourgeons où elles passent frileusement l’hiver.
Nous avons réuni en un même examen ces deux plantes parce qu'elles offrent un genre de vie commun et qu'elles présentent au point de vue botanique des affinités réelles, puisqu'elles furent longtemps réunies en un seul genre, le genre Tussilago.
Le Tussilage ou Pas-d'âne (Tussilago Farfara) appartient à la famille des composées. C’est dire que ses fleurs sont constituées par un ensemble de petites fleurettes réunies sur un même support ou réceptacle et entourées de folioles verdâtres constituant l'involucre et qui présentent l'aspect et remplissent le rôle des sépales.
Les petites fleurs réunies qui affectent la forme et ont l'apparence des pétales sont nombreuses, celles du pourtour portent les ovaires, alors celles qui que occupent le centre donnent naissance aux étamines.
Le Tussilage est une plante vivace qui peut atteindre vingt centimètres de hauteur. Ses tiges florifères sont cotonneuses, garnies d'écailles de forme allongée, demi embrassantes, de couleur violacée. Chacune de ces tiges se terminent par une fleur solitaire d'un beau jaune dorée, dressée au moment de son épanouissement, puis penchée après la floraison. Cette sorte de tête demeure dans cette position jusqu'à la complète maturité des graines, puis se redresse pour donner la liberté à celles-ci qui sont dispersées par le vent, puisqu’elles sont surmontées d'une aigrette possédant des soies disposées circulairement sur plusieurs rangs. Lorsque le Tussilage est en état de fructification complète et définitive, il ressemble beaucoup au pissenlit dans le même état. 


Les feuilles se développent après les fleurs, elles sont toutes radicales, c’est-à-dire qu'elles s'insèrent sur la tige près de la racine au ras du sol sur lequel elles s’étalent. Ces feuilles peuvent atteindre une taille assez grande, elles sont un peu épaisses, et portent un pétiole. Elles sont vertes au-dessus, alors qu'elles sont blanchâtres dessous. Leur contour est arrondi, elles sont échancrées en cœur à la base lobées, et dentées sur les bords.
Le Tussilage se rencontre dans les lieux frais de toute la France, de l'Europe, de l'Orient et de l'Afrique septentrionale, au bord des chemins, sur les talus et dans les champs.
On lui donne le nom de Pas d'âne ou Taconnet parce que la feuille peut couvrir le pas d'un âne. Le nom de Tussilage vient de deux mots latins, tussis, toux, agere, chasser, parce que cette plante a toujours été considérée comme pectorale. Ses fleurs sont plutôt toniques et stimulantes prises en infusion.
Les anciens botanistes donnaient quelquefois au Tussilage le nom de Filius ante patrem. C'est le Geimeiner Huflattich et le Rosshüfle des allemands. 

Le pétasite officinal épanouit lui aussi ses fleurs dès le mois de mars Celles-ci au lieu d'être solitaires sur une tige, sont groupées en une grappe serrée et oblongue de couleur purpurine.
Les feuilles qui garnissent la tige portant la grappe, sont en formes d'écaillés, elles sont dressées, un peu embrassantes, de couleur rougeâtre, à contour allongé plus ou moins variable, Les différents états de développement de ces tiges florifères offrent les aspects décoratifs les plus riches.
Nous les signalons d'autant plus aux artistes qu'elles n'ont reçu jusqu'à ce jour aucune application. Elles passent inaperçues parce qu'elles se rencontrent au bord des eaux, alors que rien autre dans la Nature n'attire ou ne retient l’observateur.
Les feuilles complètes sont radicales ; elles paraissent après que les fleurs sont détruites. Elles sont très grandes, garnies d'un long pétiole ; elles peuvent atteindre jusqu'à cinquante centimètres de largeur. Elles affectent une forme générale, presque orbiculaire ; elles sont un peu aiguës au sommet et profondément échancrées à la base en deux lobes arrondis ; le fond de l'échancrure est bordé par une nervure bien accusée dont les deux portions viennent s'insérer sur le pétiole. Elles sont inégalement dentées, vertes en dessus, blanchâtres et velues en dessous. Au contraire de celles du Tussilage, elles sont dressées.
Le nom de pétasite donné à ces plantes vient du grec petasos, chapeau, parce que leurs feuilles sont amples. On leur donne d'ailleurs le nom vulgaire de Chapelière, Contre-peste; Herbe-aux- Teigneux. 

Les allemands la désignent sous les noms de Arz neiliche-Pestwurtz, Pestbilenwurtz, Neun Krafwurtz, Gross maten-Rossuhf.
Leur racine est grosse, charnue, d'une saveur amère et d'une odeur douce et suave. Cette odeur semble avoir émigrée dans les fleurs d'une espèce voisine, le pétasite odorant, qui croît spontanément dans la région méditerranéenne et qui est parfois cultivée dans nos jardins sous le nom d'Héliotrope d’hiver.
Le pétasite officinal aime les prairies humides, les bords des rivières, des torrents et des ruisseaux. On le rencontre un peu partout dans toute la France, l'Europe, la Perse et la Sibérie.
L'aspect général de ces plantes qui croissent généralement en groupes assez importants est très ornemental. Elles méritent de retenir non seulement l'attention des artistes, mais aussi celle des horticulteurs. Il n'est pas rare d'ailleurs de les voir employées dans certains jardins où elles font un effet recommandable.
Alors que les emblèmes pour symboliser les premiers jours du printemps ne sont pas très nombreux, les artistes nous saurons certainement gré de leur avoir signalé deux plantes, qui non seulement sont belles dans leur ensemble, mais offrent dans les détails de leurs organes des indications précieuses. 

Pierre-Emile Nicolas
Source :
Art et industrie 1911

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