Le bouleau

 

Pierre-Emile Nicolas (Voir la bio en suivant le lien) botaniste et professeur à l’école des beaux-arts a publié plusieurs article sur la flore dans la revue Art et Industrie


Le bouleau.
Parmi les plantes à fleurs, il existe de nombreuses familles où les pièces protectrices des organes reproducteurs sont réduites à de simples écailles imbriquées disposées en épis ou en chatons.
Ces inflorescences n'ont pas toujours les qualités requises pour plaire à l'œil superficiellement exercé à discerner les formes ; il est bon d'ajouter que presque toujours elles sont très précoces, se développant alors que les frimas sont encore à redouter et que les feuilles se cachent encore en leurs bourgeons protecteurs.
Les espèces à chatons sont généralement des arbres : coudrier, chêne, charme, peuplier, saule, aulne et bouleau. Il nous a semblé bon, avant d'étudier d'autres formes, de présenter un type intermédiaire entre les cryptogames et les espèces à fleurs bien apparentes.
Il est évident qu'en choisissant le bouleau nous ne pouvons faire aucun rapprochement de classification naturelle, ce que nous voulons c'est montrer la complication graduelle des formes.
Le bouleau appartient à la famille des Bétulées, du groupe des plantes Monoclamydées, c'est-à-dire à une seule enveloppe florale.
C'est un arbre élancé, au tronc droit qui croit dans les bois montagneux, les forêts, les taillis d'une grande partie de la France, sauf dans la région méditerranéenne où on ne le rencontre pas, de la Corse, de l'Europe centrale et de l'Asie tempérée ; c'est le dernier arbre que l'on rencontre en avançant vers le pôle. Dans les régions de montagnes sa taille décroît en raison de l’altitude.
Ce qui rend très caractéristique le bouleau parmi les autres arbres, c'est son écorce d'un blanc satiné qui le fait discerner à première vue et de loin. Cette écorce se détaché par lames circulaires s'enroulant et découvrant des endroits plus sombres. 

Des rameaux rougeâtres et flexibles pendent des branches principales. Les feuilles sont alternes ou éparses sur les rameaux. Elles possèdent un pétiole et sont de forme ovales, triangulaires ; elles portent des dents sur leur pourtour disposées comme celles d'une scie ; elles sont vertes et luisantes en dessus, tandis que leur face inférieure est d’un vert pâle, glabre ou pubescent.
Les organes reproducteurs sont portés par des chatons de sexe séparé sur le même pied.
Les uns et les autres fleurissent en avril ; les mâles sont cylindriques et pendants, de forme allongée. Ils sont disposés à la partie supérieure des rameaux, soit isolément, soit au nombre de deux ou trois. Ces chatons sont constitués par des écailles trilobées protégeant trois fleurs dont le périanthe consiste en une petite écaille concave. Chaque fleur contient quatre étamines. 


Les chatons femelles sont cylindriques, dressés, solitaires, constitués par des écailles trilobées, protégeant trois fleurs contenant chacune un ovaire à deux stigmates. Après la fécondation, chaque ovaire fécondé donne naissance à un fruit de forme lenticulaire bordé d'une aile membraneuse.
Rien n'est plus décoratif qu'un rameau de bouleau au moment de sa floraison ; les jeunes feuilles qui sont plissées dans le sens de la longueur se déploient avec grâce ; les chatons mâles qui prennent une belle couleur jaune verdâtre, pendent et s'agitent au souffle du vent, tandis que les chatons femelles se développent solitaires dans un sens voisin de la verticale. Le rameau adulte portant les cônes fructifères mérite lui aussi de retenir l'attention de l’ornemaniste.
L'automne est la saison où le bouleau est le plus beau. Ses mille feuilles perdent leur coloration verte pour se muer en innombrables piécettes d'or qui frémissent au moindre vent et qui tombent mélancoliquement sur le sol. 


Le bouleau est un des arbres les plus beaux des régions tempérées de l'Europe ; en toutes saisons, il est agréable à voir, l'hiver, il profile en maints endroits, son tronc élancé et blanc sur la masse sombre des sapins ; au premier printemps, ses jeunes rameaux se colorent d'une teinte chaude; dès avril il agite ses chatons légers à travers lesquels le soleil fait jouer ses premiers rayons, c'est toute une passementerie précieuse, délicate et gracieuse ; l'été, ses branches flexibles pendent vers la terre chargées de feuilles et de cônes élégants ; l'automne, il apparait comme une merveilleuse œuvre d'art, tout resplendissant et frémissant .
Les artistes devraient donc en apprécier toutes les séductions ; pour y arriver il leur est nécessaire comme toujours de suivre attentivement cette plante suivant le cours des saisons. Il est préférable pour eux de connaître complètement quelques spécimens, que de posséder des données vagues et générales sur une foule de choses. Très souvent, lorsqu'ils veulent faire l'application d'une étude qu'ils ont pu crayonner en hâte, ils se trouvent aux prises avec des difficultés insurmontables et sont presque toujours obligés d'abandonner leur projet.
L'étude approfondie et la connaissance complète d'un sujet peut alimenter pendant de nombreuses années l'imagination d'un artiste décorateur. N'est-ce pas la seule feuille d'acanthe qui a fait toute la valeur des chapiteaux de la Grèce, de l'Italie, de la Renaissance et qui s'est développée dans les plus belles ferronneries, le long des escaliers somptueux de nos palais les plus réputés de l'art français du XVème siècle ? 

Le bouleau est un arbre populaire, car s'il a le don de plaire à l'amateur de belles choses, il est utile à l’homme. Ses noms ne varient guère cependant, l'allemand le nomme Bircke ; en France, il est appelé Boule, Byole, Bouillard, Bois à balais. Ses usages sont nombreux ; dans son premier âge, il peut servir à faire des jantes de roues, des cerceaux lorsqu'il a atteint son entier développement, il est très recherché des sabotiers qui en font des chaussures légères et sonores ; ses rameaux servent à faire des balais ; il est recherché des boulangers, des verriers et des céramistes ; son écorce sert au tannage des peaux dans les pays du nord. De cette écorce on extrait une résine qui donne au cuir de Russie son odeur caractéristique. Les finlandais se servent des feuilles pour confectionner une boisson analogue à celle obtenue au moyen de l'infusion du thé ; en Norvège, ces feuilles sont données en nourriture aux bestiaux. Enfin, dans certains pays du Nord, on recueille avec soin la sève qui s'écoule au printemps des blessures ou entailles qu'on pratique intentionnellement. Cette sève, par sa fermentation, donne une boisson légèrement alcoolique d'un goût assez agréable.
Le bouleau jouit, en Finlande, d'une grande vénération et on rencontre en quelques lieux solitaires des pieds vénérables par l'âge qui sont considérés comme des arbres sacrés. Les habitants du pays viennent y suspendre des rondelles, des croix, des cœurs en métal ou taillés dans du bois du bouleau sur lesquels on écrit le nom d'un parent défunt ou d'un ami. Il y a là le vestige d'un culte des arbres qui paraît avoir existé un peu partout chez les peuples primitifs. Le chêne était un arbre sacré par les Celtes ; les peuples orientaux vénèrent encore certaines plantes. 


Le bouleau n'a guère été jusqu'à ce jour apprécié que par les artistes peintres ou les peintres décorateurs. En effet, ses fûts élégants, ses ramures déliées le rendent précieux pour alléger la masse plus lourde des autres arbres. S'il est précieux dans son ensemble, il l'est également dans ses détails, mais comme nous l'avons déjà dit il faut le regarder attentivement, surtout au printemps.
Nul doute que notre plaidoyer en sa faveur attirera l'attention de quelques- uns sur ses qualités qui peuvent paraître à première vue un peu modestes, mais qui n'en sont pas moins précieuses pour celui qui veut se donner la peine de regarder

Pierre-Emile Nicolas
Source : Art et industrie : revue mensuelle illustrée. 1910-01.

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