L'intérimaire

 


 V'là midi qui sonne !
Par les rues du village s'en vont les briandeurs, pour annoncer aux ménagères de chez nous qu'Il est l'heure de tremper la soupe
Les crécelles, on dit briands en Meuse, agitées par les menottes nerveuses des gamins, font un bruit du diable.
Hé ! v’là midi qui sonne !
Car muettes sont les cloches  
Nos mères-grands nous disaient qu'elles étaient parties bien loin, au-delà des blanches montagnes, jusqu'à Rome, l'antique cité des papes
Leur départ annuel rend les clochers muets durant deux jours. Mais aussi, quelle glorieuse harmonie quand par les mêmes routes aériennes, elles reviendront prendre leur place sous l'ardoise moussue du vénérable moûtier !
Ce matin du retour, elles vibreront de toute leur puissante âme de bronze  pour fêter le doux printemps et donner au soleil rajeuni une magnifique aubade que les jeunes brises emportent de coteau en coteau par-dessus les vallons reverdis !
V’là midi qui sonne !
Deux par deux tels des soldats en culotte courte allant à la manœuvre, les briandeurs défilent fièrement par les rues du village.
Les crécelles et les toc-tocs s'agitent pendant la marche
Soudain, le chef du détachement lève, comme un clairon, son instrument au-dessus de sa tête et, tous, avec un bel ensemble, annoncent :
V’là midi qui sonne !
Puis, de nouveau, recommence le tintamarre I
Viendra, ensuite, le jour de paie I Chaque maison recevra la visite des briandeurs dont le plus costaud porte un grand panier d'osier qui, peu à peu se remplit de beaux œufs frais pondus.
Au chef en second est confiée la caisse ; je veux dire le porte-monnaie !
Après la tournée a lieu le partage
Chaque briandeur reçoit une part proportionnelle à sa taille et à la sonorité de son instrument
Alléluia du fond du cœur,
N'oubliez pas les briandeurs
Un jour viendra
Où Dieu vous le rendra
Alléluia !  Alléluia !  Alléluia
Le paysan sibérien
Bulletin meusien : organe du Groupement fraternel des réfugiés et évacués meusiens. 1929-03-23.


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